Bernard Thévenet, dit « Nanard »

Bernard Thévenet, surnommé affectueusement “Nanard”, naît le 10 janvier 1948 à Saint-Julien-de-Civry, en Saône-et-Loire, dans une famille d’agriculteurs. Enfant, il se passionne pour le cyclisme en voyant passer le Tour de France 1961 dans son hameau du Guidon – le curé local ayant même avancé l’heure de la messe pour que tout le village puisse applaudir les coureurs. Il obtient son premier vélo à 7 ans et parcourt déjà des dizaines de kilomètres par jour autour de son village. À 14 ans, après avoir réussi ses examens, ses parents lui offrent un vélo plus sérieux. D’abord réticents à le voir courir, ils finissent par l’encourager lorsqu’ils découvrent dans le journal local qu’il a gagné sa première course régionale. Doué, Bernard devient double champion de Bourgogne sur route (1965 et 1966), puis champion de France amateur en 1968. Recruté par le célèbre club de l’AC Boulogne-Billancourt, il passe finalement professionnel en 1970 au sein de l’équipe Peugeot-BP-Michelin, à l’âge de 22 ans.

Dès sa première année pro, 1970, Thévenet est repêché in extremis pour disputer son premier Tour de France : prévenu seulement deux jours avant le départ à cause de forfaits de dernière minute, il doit apprendre la nouvelle par un voisin, sa famille ne disposant pas du téléphone. Propulsé dans la Grande Boucle, il fait d’abord office d’équipier pour le leader Roger Pingeon, mais quand celui-ci abandonne, le jeune rookie joue sa carte personnelle. Le 14 juillet 1970 (jour de la Fête nationale), il s’offre un succès retentissant en haute montagne, gagnant l’étape de La Mongie dans les Pyrénées. Cette victoire de prestige le révèle au grand public et lui donne la confiance nécessaire pour la suite de sa carrière. L’année suivante, en 1971, il confirme en remportant à nouveau une étape du Tour et en terminant 4e du classement général.

En 1972, Bernard Thévenet remporte son premier grand succès hors Tour en gagnant le Tour de Romandie au printemps. Sur le Tour de France 1972, il est victime d’une lourde chute dans la descente du col d’Aubisque, qui lui cause une brève amnésie : étourdi, ne sachant plus pourquoi il est là, il aperçoit la voiture de son équipe et s’écrie « Je suis sur le Tour de France ! ». Refusant d’abandonner, il termine l’étape, passe la nuit en observation à l’hôpital, puis repart le lendemain et, quatre jours plus tard, réalise l’exploit de gagner l’étape du Mont Ventoux. Malgré ses blessures, il finira ce Tour 1972 à une honorable 9e place.

La saison 1973 marque une nouvelle progression. Thévenet s’illustre en espagne sur le Tour d’Espagne (Vuelta) où il remporte une étape et monte sur le podium final (3e place). De retour en France, il devient champion national sur route 1973, décrochant le maillot tricolore au terme d’une longue échappée solitaire. Lors du Tour de France 1973, privé d’Eddy Merckx cette année-là, il réalise sa meilleure performance à date : il gagne deux étapes et termine 2e du Tour derrière l’Espagnol Luis Ocaña. L’année suivante, en 1974, il connaît une saison contrastée : malade, il abandonne le Tour lors de la 11e étape, mais remporte tout de même des courses importantes comme le Tour de Catalogne et le Critérium national.

Les années 1975 à 1977 constituent l’apogée de la carrière de Bernard Thévenet. En début 1975, il se classe 2e de la classique Liège-Bastogne-Liège, tout près de battre Eddy Merckx. Quelques semaines plus tard, il domine le Critérium du Dauphiné libéré 1975, devançant Merckx qui se remet tout juste d’une maladie. Fort de cette victoire, Thévenet aborde le Tour de France 1975 sans complexe face au “Cannibale” Merckx, quintuple vainqueur sortant. Le duel entre les deux champions entre dans la légende lors de l’arrivée au col du Puy de Dôme : Merckx, en Maillot Jaune, subit ce jour-là une première défaillance, dans un contexte tendu où il est même frappé par un spectateur – un coup de poing au foie – peu avant l’arrivée. Deux jours plus tard, le 14 juillet 1975, étape reine dans les Alpes vers Pra-Loup, Merckx tente de lâcher Thévenet dans la descente du col d’Allos, mais c’est lui qui craque dans la montée finale sous la canicule. Thévenet, survolté, le rattrape et s’envole vers la victoire d’étape à Pra-Loup, s’emparant du Maillot Jaune. Le lendemain, il enfonce le clou en attaquant dès le pied du mythique col d’Izoard et gagne en solitaire à Serre-Chevalier. Finalement, Bernard Thévenet remporte le Tour 1975 avec 2 minutes 45 d’avance sur Merckx. Paris, pour la première fois, célèbre son champion sur les Champs-Élysées cette année-là. Thévenet entre ainsi dans l’histoire comme « le tombeur d’Eddy Merckx », celui qui a mis fin au règne du champion belge sur le Tour.

En 1976, Thévenet connaît un revers de fortune. Affaibli par une maladie d’origine virale, il peine à retrouver son meilleur niveau. Malgré tout, il parvient à conserver son titre au Critérium du Dauphiné 1976 (sa deuxième victoire consécutive dans cette épreuve) et termine deuxième du prestigieux Tour de Lombardie en fin de saison. Sur le Tour de France 1976, en revanche, il souffre en montagne : il craque lors de l’étape du Pla d’Adet où il perd plus de 13 minutes, recule au classement, puis abandonne avant l’arrivée alors qu’il n’était plus que 18e. On murmure que sa carrière est sur le déclin, mais Thévenet prépare sa revanche.

En 1977, Bernard Thévenet renait et réalise un retour au premier plan. Au printemps, il se classe 2e du Dauphiné (à seulement 9 secondes du jeune Bernard Hinault) et 2e du Grand Prix du Midi Libre. Sur le Tour de France 1977, il fait face à la révélation allemande Dietrich Thurau, porteur du Maillot Jaune depuis le prologue. Thévenet attend son heure jusqu’à la 15e étape, un contre-la-montre en côte à Avoriaz : ce jour-là, il s’empare de la tête du général. Quelques jours plus tard, lors de l’ultime chrono à Dijon, il scelle définitivement sa deuxième victoire au Tour de France. Le classement final est le plus serré de l’histoire moderne : Thévenet triomphe avec seulement 48 secondes d’avance sur Hennie Kuiper. Eddy Merckx, diminué par la maladie, termine 6e de ce Tour 77 qui est son dernier. Ce second sacre de Thévenet confirme son statut de champion d’exception.

Hélas, dès l’hiver suivant, sa santé vacille. Au cours de l’hiver 1977-1978, Thévenet est hospitalisé pour de graves problèmes au foie, qu’il attribue lui-même à un usage prolongé de stéroïdes (cortisone). Affaibli, il reprend la compétition mais doit abandonner lors du Tour de France 1978, incapable de suivre le rythme dans les Pyrénées tandis qu’un jeune Bernard Hinault remporte l’épreuve. La fin de carrière approche : après une dernière saison chez Peugeot en 1979, il quitte son équipe de toujours. Il court encore en 1980 sous les couleurs espagnoles de Teka, remportant cette année-là la Polynormande (course d’un jour en Normandie) et même une épreuve de six jours sur piste à Grenoble en duo avec Danny Clark. En 1981, à 33 ans, il rejoint une équipe française (Puch-Wolber) pour un ultime baroud d’honneur. Il s’adjuge quelques victoires de fin de carrière puis prend part à son dernier Tour de France en 1981, qu’il termine honorablement à la 37e place. À l’issue de cette saison 1981, Bernard Thévenet prend sa retraite sportive, tirant un trait sur 12 années d’une carrière riche en exploits.

Équipes

Bernard Thévenet a porté les couleurs de plusieurs équipes professionnelles, dont principalement l’équipe Peugeot :

  • 1970–1979 : Équipe Peugeot-BP (puis Peugeot-Esso les dernières années) – équipe française avec laquelle il a accompli l’essentiel de sa carrière.
  • 1980 : Équipe Teka – équipe espagnole pour sa seule saison hors de France.
  • 1981 : Équipe Puch-Wolber-Campagnolo – équipe basée en France (sous licence de la marque autrichienne Puch) qui sera sa dernière formation.

À noter qu’avant son passage professionnel, Thévenet s’est fait remarquer au club amateur de l’AC Boulogne-Billancourt (ACBB), véritable pépinière de champions, qu’il rejoint en 1967. C’est depuis l’ACBB qu’il intègre en 1968 l’équipe amateur de Jean de Gribaldy, où il remporte le championnat de France amateurs la même année – un exploit que rééditera un certain Bernard Hinault quatre ans plus tard. Ces années formatrices l’ont conduit jusqu’à l’équipe Peugeot en 1970, marquant le début de son parcours professionnel au plus haut niveau.

Palmarès

La carrière de Bernard Thévenet est jalonnée de succès de prestige aussi bien dans les grands tours que dans les courses d’un jour ou par étapes. Voici ses principaux faits d’armes :

  • Tour de France : Vainqueur à deux reprises (1975 et 1977) – devenant le héros français qui mit fin au règne d’Eddy Merckx. Il compte aussi une 2e place en 1973, une 4e place en 1971, et un total de 9 victoires d’étapes sur le Tour au cours de sa carrière. Il a porté le maillot jaune sur plusieurs éditions, totalisant 19 jours en jaune (dont 8 en 1975 et 8 en 1977).
  • Autres grands tours : 3e du Tour d’Espagne 1973 (Vuelta) avec une victoire d’étape. Il a également participé au Tour d’Italie (Giro) en 1970 (abandon) et 1972 (abandon), sans résultat notable.
  • Championnats et classiques : Champion de France sur route 1973. Podiums sur deux “Monuments” du cyclisme : 2e de Liège-Bastogne-Liège 1975 et 2e du Tour de Lombardie 1976. Il se classe également 3e de Milan-San Remo 1974 (officieux, car il faisait partie d’une échappée arrivée hors délais et non classée officiellement).
  • Courses par étapes (autres) : Vainqueur du Critérium du Dauphiné à deux reprises (1975 et 1976), plus 2e en 1972 et 1977. Vainqueur du Tour de Romandie 1972. Vainqueur du Tour d’Indre-et-Loire 1972 (épreuve par étapes française). Vainqueur du Critérium National en 1974. Également 2e du Midi Libre 1977 et lauréat de nombreux critériums d’après-Tour.
  • Autres victoires : Plusieurs semi-classiques et courses d’un jour figurent à son palmarès, dont Paris-Luxembourg (1972), le Trophée Pernod (1971), la Polynormande (1980), ainsi que des Six Jours sur piste (Grenoble 1980). En tout, Bernard Thévenet a remporté environ 30 victoires professionnelles sur route, sans compter ses succès sur piste et chez les amateurs.

Matériel

Durant les années 1970, Bernard Thévenet a utilisé le matériel cycliste emblématique de son époque, notamment les vélos fournis par son équipe. Sous le maillot à damiers noir-et-blanc de Peugeot (motif devenu célèbre dès les années 1960), il chevauchait des bicyclettes de route Peugeot haut de gamme, dérivées du modèle légendaire Peugeot PX10. Ces vélos étaient construits en acier Reynolds 531 (cadre et fourche), gage de robustesse et de performance à l’époque. L’équipement était essentiellement 100% français : dérailleurs Simplex, pédalier Stronglight, freins Mafac, jantes Mavic, moyeux Peugeot, etc., conformément aux composantes montées sur les modèles de série de Peugeot.

En termes de transmission, Thévenet courait avec un double plateau à l’avant (généralement 52 dents et 42 dents, bien qu’un plateau de 45 ait pu être utilisé sur certains modèles) et une roue libre 5 vitesses à l’arrière. Les braquets en montagne restaient relativement élevés comparés aux standards actuels – typiquement un plus petit développement de 42×24 ou 42×26 en haute montagne, ce qui exigeait une grande force physique sur les cols alpins ou pyrénéens. À titre d’illustration, le vélo Peugeot de Thévenet autour de 1975 pesait environ 9,75 kg, soit bien plus lourd que les vélos ultra-légers d’aujourd’hui. Néanmoins, à l’époque, ce poids était considéré comme très compétitif pour un vélo de course grâce aux composants allégés (par exemple les leviers de freins étaient percés pour gagner quelques grammes).

Parmi les particularités de son matériel, on peut citer l’usage de pédales à sangles (cale-pieds) en cuir, indispensables avant l’invention des pédales automatiques dans les années 1980. Thévenet portait aussi le casque “cuir” de rigueur en compétition (un simple bandeau de cuir rembourré, peu protecteur, souvent remplacé par une casquette Peugeot lors des ascensions ou contre-la-montre). Ses vélos étaient équipés de boyaux collés sur jantes aluminium, offrant un rendement optimal malgré le risque de crevaisons. On notera aussi l’esthétique marquante des vélos Peugeot de l’époque : peinture blanche ornée du motif à damiers noir, que l’on retrouvait même sur les tubes du cadre – un véritable symbole visuel du cyclisme français des années 70.

En fin de carrière, lors de son passage dans l’équipe Puch-Wolber en 1981, son matériel a légèrement évolué : il utilise alors un vélo de marque Puch équipé de composants italiens Campagnolo (comme l’indique le nom de l’équipe) – un changement par rapport au tout-français de Peugeot. Le nombre de pignons arrière tend aussi à passer à 6 à l’aube des années 80. Cependant, Bernard Thévenet est resté toute sa carrière attaché aux cadres traditionnels en acier et à une mécanique classique, traversant l’ère pré-numérique du cyclisme où l’excellence du matériel importait certes, mais moins que la force de caractère du champion qui le pilotait.

Anecdotes marquantes

Tout au long de sa carrière, Bernard Thévenet a été le protagoniste de nombreuses anecdotes révélatrices de sa personnalité et de son époque. En voici quelques-unes des plus marquantes ou originales :

  • Baptême du feu improvisé (Tour 1970) : Pour son premier Tour de France, Thévenet n’était même pas prévu dans la sélection initiale. Ce n’est qu’à deux jours du départ qu’il fut appelé en catastrophe par le directeur sportif de Peugeot, Gaston Plaud, pour remplacer deux coureurs malades. L’histoire veut qu’on ait dû envoyer un voisin prévenir sa famille, faute de téléphone chez les Thévenet, et que Bernard ait appris sa participation en rentrant d’un entraînement, stupéfait. Arrivé inquiet au départ à Limoges avec une valise neuve prêtée par l’équipe et du matériel qu’on a dû rassembler en urgence, il raconte : « J’étais effrayé et fier à la fois… Tout le monde avait un vélo flambant neuf, mais pas moi, parce que je n’étais pas sur la liste. ». La suite est connue : il gagne l’étape du 14 juillet et lance ainsi sa légende.
  • L’amnésie du champion (Tour 1972) : Lors de l’étape pyrénéenne vers Luchon en 1972, Thévenet chute lourdement dans la descente de l’Aubisque. Sonné, il souffre d’une perte de mémoire temporaire. Allongé sur la route, il ne sait plus ce qu’il fait là jusqu’à ce que la vue d’une voiture d’équipe ravive son esprit de coureur : « Je suis sur le Tour de France ! » s’écrie-t-il en se relevant. Contre l’avis des médecins, il remonte en selle, termine l’étape dans la douleur, et repart le lendemain après un passage à l’hôpital. Mieux, quatre jours plus tard, comme un pied de nez au sort, il triomphe au sommet du Mont Ventoux, réalisant l’un des exploits les plus applaudis de ce Tour 1972. Ce jour-là, sur la “montagne chauve”, le public découvre un Thévenet intrépide et pugnace, capable de défier Merckx et Poulidor malgré les bandages et la fatigue.
  • Le tombeur du Cannibale (Tour 1975) : L’image est entrée dans l’histoire du cyclisme : le 13 juillet 1975 à Pra-Loup, dans la montée finale, Thévenet dépose Eddy Merckx, Maillot Jaune en titre, pour s’en aller conquérir l’étape et le leadership du Tour. La scène est d’autant plus marquante que Merckx, invincible depuis cinq ans, paraît soudain humain, à bout de forces sous la chaleur écrasante, tandis que Thévenet file vers la victoire, le maillot Peugeot à damiers collé à la peau par l’effort. Le Belge, victime d’un coup de fatigue irréversible (aggravé, dira-t-il, par les antidouleurs qu’il prenait pour son foie meurtri par un spectateur au Puy de Dôme la veille), ne pourra jamais combler son retard de 58 secondes. Thévenet, lui, racontera plus tard qu’il ne se rendait pas compte d’accomplir un exploit sur le moment, tant il était concentré : « À l’arrivée, je gagne, je prends le maillot jaune mais je ne réalise pas… Pour moi, la journée la plus importante était le lendemain », confiera-t-il, pensant déjà à l’étape suivante sur l’Izoard qu’il gagnera également. Pra-Loup 1975 restera comme l’instant mythique où Bernard Thévenet a fait vaciller la “statue” Merckx, épisode que les fans du Tour évoquent encore avec émotion.
  • Révélations et scandale (dopage) : À la fin des années 70, Thévenet va également défrayer la chronique d’une manière plus sombre. En 1978, il choque le monde du cyclisme en confessant s’être dopé à la cortisone durant trois ans, période couvrant ses deux victoires au Tour. À l’époque, la cortisone n’était pas formellement interdite, mais son abus a gravement atteint la santé du champion, provoquant notamment sa maladie du foie fin 1977. Il admet aussi que le dopage est alors une pratique courante parmi les leaders du peloton, ce qui lui vaut de vives critiques médiatiques et l’ostracisation par certains de ses pairs, choqués par cet étalage public de ce qui se murmurait en secret. Son sponsor Peugeot prend ses distances, et cette affaire précipitera en partie la fin de sa carrière. Thévenet restera comme l’un des premiers vainqueurs du Tour à avoir brisé l’omerta du dopage – en payant le prix fort sur le plan sportif et humain.
  • Un champion humble et aimé : Malgré les vicissitudes, Bernard “Nanard” Thévenet a conservé tout au long de sa carrière (et au-delà) une image très sympathique auprès du public. Travailleur, accessible, il n’a jamais eu la grosse tête et est resté l’homme simple issu de sa campagne bourguignonne. Ses qualités humaines – simplicité, cordialité, générosité, charisme discret – ont beaucoup contribué à sa popularité en France. Les supporters se rappellent par exemple qu’après ses victoires, il n’hésitait pas à remercier sincèrement ses coéquipiers et à saluer le public. Surnommé “Nanard” par affection, il est de ces champions que l’on tutoie volontiers tant ils semblent proches des gens. Encore aujourd’hui, dans les cyclosportives ou événements où il apparaît, Thévenet est abordé comme une légende accessible, toujours prêt à échanger un sourire ou signer un autographe (même s’il plaisante en disant qu’on lui parle surtout de Pra-Loup 1975, épisode qu’il a raconté des centaines de fois). Cette proximité chaleureuse lui vaut une place à part dans le cœur des Français, bien au-delà de son palmarès.

Carrière post-cycliste

Bernard Thévenet en 2012, lors du prologue du Critérium du Dauphiné, course qu’il a contribué à organiser après sa carrière.

Une fois son vélo raccroché, Bernard Thévenet n’est pas resté éloigné du milieu cycliste, embrassant plusieurs rôles successifs avec le même engagement. Dès le milieu des années 1980, il passe de l’autre côté de la barrière en devenant directeur sportif : en 1984, il prend la tête de l’équipe française La Redoute, où il dirige notamment un jeune Irlandais prometteur nommé Stephen Roche. Il poursuit dans ce rôle en 1986-1987 à la barre de l’équipe RMO, encadrant de nouveaux talents et mettant à profit son expérience du haut niveau.

Dans les années 1990, Thévenet s’investit au service du cyclisme national : de 1993 à 1996, il occupe le poste de sélectionneur de l’équipe de France sur route. Sous sa houlette, l’équipe de France renoue avec le succès lors des Championnats du monde 1994 en Sicile, où Luc Leblanc décroche la médaille d’or – un titre mondial auquel “Nanard” n’est pas étranger d’après les observateurs, tant son management a su remobiliser les Bleus.

Parallèlement, Bernard Thévenet devient un visage familier du grand public en tant que consultant télévisé. Sollicité pour son expertise et sa pédagogie, il commente le Tour de France pour France Télévisions chaque été de 1994 à 2004, aux côtés notamment de Patrick Chêne puis Thierry Adam. Sa voix douce et son analyse mesurée accompagnent durant plus d’une décennie les téléspectateurs sur la route du Tour, renforçant encore sa popularité. Il intervient d’ailleurs à l’antenne dès 1993 et jusqu’en 2007 en tant qu’expert régulier du cyclisme sur France Télévisions.

Enfin, Thévenet a également œuvré à l’organisation d’épreuves cyclistes. Passionné de piste, il a été chef de piste des Six Jours de Grenoble (épreuve sur piste qu’il avait lui-même gagnée en 1980) et, en 2010, il prend en charge pour ASO (Amaury Sport Organisation) la direction du Critérium du Dauphiné. C’est un retour aux sources pour ce champion double vainqueur de l’épreuve dans les années 70. Sous sa supervision, le Dauphiné – course préparatoire au Tour – connaît un regain d’intérêt, Thévenet mettant un point d’honneur à tracer des parcours sélectifs empruntant souvent les cols de sa grande époque. Il quitte ce rôle en 2018, passant le relais après avoir solidement installé le Dauphiné dans le calendrier international.

En marge de ces activités sportives, Bernard Thévenet a également fondé une entreprise de vêtements de cyclisme à son nom, capitalisant sur son image pour proposer des tenues vintage Peugeot ou des accessoires pour cyclistes nostalgiques. Sur le plan personnel, on le retrouve engagé dans des causes sociétales : membre du comité d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, il a même co-signé en 2009 un appel en faveur de la dépénalisation de l’euthanasie. Preuve que l’homme, au-delà du champion, met sa notoriété au service de convictions humanistes.

Aujourd’hui, Bernard Thévenet reste une figure respectée et souvent sollicitée du cyclisme français. On le voit régulièrement sur les épreuves légendaires (Tour de France, etc.) en tant qu’invité d’honneur, ambassadeur ou conférencier. Son sourire bienveillant et son regard pétillant dès qu’il s’agit de vélo témoignent d’une passion intacte. Celui qui a vaincu Merckx et soulevé les foules dans les années 70 continue de transmettre son amour du cyclisme aux nouvelles générations, perpétuant la mémoire vivante d’un âge d’or du Tour de France. Bernard “Nanard” Thévenet, par son parcours sportif éblouissant et sa reconversion réussie, incarne une véritable légende du cyclisme tricolore, à la fois héros d’hier et homme de cœur d’aujourd’hui.

Sources : Bernard Thévenet – Wikipédia; Le Figaro (22/07/2015); Mareuil Éditions; Velofcourse.fr; FrenchWheels.com; Cyclisme-dopage.com.


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